Paroles de lauréats : Pierre-Éric Perrin
13 / 08.05.2020

Paroles de lauréats : Pierre-Éric Perrin

Face à la crise, chaque jour, les lauréats et alumni Choiseul, mais aussi plusieurs de nos amis et partenaires, réagissent. Une série d’échanges avec plusieurs d’entre eux  qui nous font part de leur vécu, nous exposent leurs stratégies de rebond mais aussi nous livrent leur vision du « jour d’après ».

Aujourd’hui avec Pierre-Eric Perrin, Associé fondateur de Mawenzi partners, cabinet de conseil en stratégie. Basé à Paris, il accompagne les directions générales de grands groupes français et internationaux dans leurs projets de croissance. Mawenzi partners est partenaire du classement Choiseul Sport & Business.

les entreprises vont devoir repenser leur raison d’être et leur modèle économique pour intégrer davantage de responsabilité, jusqu’à en faire la pierre d’angle de leur stratégie de croissance.

Comment vos clients sont-ils impactés par cette crise sans précédent ?

Toutes les entreprises sont impactées par le COVID. Nous n’en connaissons pas une qui n’ait pas eu besoin d’adapter son modèle opérationnel, a minima pendant le confinement, et souvent plus largement de revoir son business plan sur 2020 et 2021.

Les échanges avec nos clients nous ont permis de distinguer quatre types d’impacts et de réactions selon les secteurs :

  1. L’arrêt brutal de l’activité, avec une focalisation apportée à la gestion du cash et à la rationalisation des coûts dimensionnée sur le strict nécessaire. Sont majoritairement concernés tous les secteurs jugés non prioritaires dans un temps de confinement : l’événementiel et le sport, le tourisme et le commerce de proximité, le luxe, le transport, la construction et l’industrie.
  2. Le maintien nécessaire de l’activité en présentiel dans une situation d’urgence pour les acteurs soumis à une forte pression logistique sur des services essentiels. La distribution et l’alimentaire étaient évidemment en première ligne avec les services hospitaliers, quelques secteurs industriels associés, ainsi que les services d’urgence autour de l’eau, l’énergie la gestion des déchets et les Médias/Télécoms.
  3. La continuité de l’activité mais dans des conditions rendues plus complexes par le télétravail ou l’aménagement sanitaire, avec une recherche de transfert vers le digital, et avec des revenus momentanément limités. Cette situation concerne essentiellement les laboratoires pharmaceutiques, les services aux entreprises et services financiers, et les biens de grande consommation.
  4. La croissance de l’activité qui concerne peu d’acteurs, essentiellement ceux construits sur un service 100% digital et quelques-uns positionnés sur le bien social

Tous ont cherché à gérer la situation en réduisant au maximum l’impact à long terme sur leur entreprise, mais évidemment le développement commercial a été très largement interrompu. Relativement peu d’entreprises ont cherché dans les premières semaines à réfléchir à la stratégie de relance. Il a fallu attendre l’annonce d’une échéance sur le déconfinement pour que la balance entre Rationalisation et Relance soit rééquilibrée, voire inversée.


Qu’en est-il en ce qui vous concerne ? Face à cette crise inédite, comment avez-vous adapté votre organisation ?

Chez Mawenzi Partners, nous sommes nativement préparés au travail à distance et à l’utilisation des outils digitaux. Le télétravail a donc été mis en place immédiatement pour respecter le confinement sans impacter la réalisation de nos missions en cours. Pour autant, nos clients des secteurs les plus touchés nous ont demandé de suspendre les missions, et nous l’avons bien sûr immédiatement accepté pour contribuer à notre mesure à l’effort de l’ensemble de l’économie.

Pour les autres, nous avons à la fois profité de la soudaine disponibilité de nombre d’acteurs pour enrichir les analyses sur la conception de nos plans stratégiques, et fait preuve d’un maximum de flexibilité et de créativité pour accompagner nos clients dans la gestion complexe de nouvelles formes de travail. Nous avons par exemple développé de nouveaux concepts de war games, de CODIR dédiés à la relance, ou encore de sessions d’accélération commerciale.

Nos démarches commerciales ont été en revanche subitement interrompues dans les premières semaines, et nous avons donc encouragé tous nos consultants à poser d’ici l’été des jours de congé afin de limiter au maximum le recours à l’activité partielle. Une nouvelle organisation s’est alors mise en place laissant la place aux actions de formation ou de solidarité.

Pour continuer à être en mesure d’accompagner nos clients sur le chemin de la croissance, nous avons sinon initié deux types d’actions : une étude pour recenser et partager avec les dirigeants les actions prévues à court et moyen terme sur la préparation de la relance ; un partenariat avec Ressource Consulting, un cabinet expert de la génération d’économies, pour construire avec nos clients un plan autour de la Rationalisation et de la Relance de leur activité.

Notre raison d’être est de « concevoir de nouveaux modèles de croissance, créateurs de valeur, au service d’un futur motivant et juste ». Elle n’aura jamais pris autant de sens que maintenant.


Beaucoup d’entreprises ont pris des initiatives innovantes. Certains autres ont fait preuve de grande solidarité avec les plus faibles. Y a-t-il quelques exemples qui vous ont touché et méritent selon vous d’être relevés ?

Nous avons vu émerger de multiples et belles initiatives, depuis l’adaptation des moyens de production dans l’industrie au profit du matériel de santé jusqu’aux élans de solidarité pour les professionnels de santé ou les personnes les plus fragilisés. Tous nos clients ne l’ont pas fait savoir, mais un très grand nombre a organisé la solidarité à son niveau, en toute humilité, et nous ne les révèlerons donc pas.

Notre étude a sinon montré à quel point les entreprises, même fortement touchées par la crise, ont commencé à initier des actions sur la relance pour éviter de subir la situation : l’adaptation de l’organisation pour préparer le retour sécurisé sur les lieux de travail ou la mise en place de nouveaux modes de travail, la proximité et l’accompagnement des clients et des fournisseurs clés, la conception de nouvelles offres, notamment digitales, et la création de groupes de travail internes sur le jour d’après.

Globalement, nous avons souvent été heureusement surpris de voir à quel point une organisation économique et sociale peut se révéler être une « machine de guerre » lorsque l’ensemble de ses collaborateurs – au-delà de son CODIR – prend la mesure de la situation à son niveau, à celle de son entreprise, et à celle de son pays. Les exemples sont nombreux, et nous attendons la fin de la crise pour que toutes ces entreprises puissent en témoigner.


À quoi selon vous va ressembler le «monde d’après» ?

Le jour d’après se révèlera progressivement… Je ne pense pas que le monde deviendra tout d’un coup « raisonnable », en tout cas dans une forme plutôt radicale comme nous avons pu l’entendre. Après ces mois de confinement, chacun aura besoin de vivre pleinement et de goûter le retour à une vie sociale.

Je ne crois pas qu’il faille rejeter l’ensemble du monde d’aujourd’hui lorsqu’il concerne autre chose que la santé et la nourriture. Le sport, le divertissement, et le tourisme, même le luxe, font aussi partie de la vie. Ils ne répondent peut-être pas à la même nécessité première mais ils sont utiles et contribuent à l’harmonie sociale. Ils accompagnent l’éducation de nos enfants, favorisent la concentration et la décompression, et contribuent au bien-être et à la recherche de dépassement qui est aussi le propre de l’homme. Je crois que la consommation « plaisir » continuera à se développer et reprendra son cours doucement comme la consommation de biens essentiels, car elle répond également à des aspirations profondes.

En revanche, ce qui changera selon nous, c’est avant tout notre rapport à la santé, à la sécurité sanitaire et à l’environnement. Ce sont les rapports sociaux et les comportements qui doivent être repensés par tous les acteurs de l’économie. Il nous faut très probablement apprendre à vivre et travailler – a minima sur une grande partie de l’année 2020 – dans un format qui ressemblera fortement à ce que nous avons connu en tant que confinés… De nouveaux modes de travail, de nouveaux modes de consommation et de vie sociale, majoritairement à distance et connectés, et épisodiquement en présentiel et en déplacement. L’immense différence avec le confinement, c’est qu’il ne s’agira plus d’une période de transition, mais bien d’un mode dit « nominal ». Cette différence est majeure car elle nous place dans une situation où nous n’attendons plus le jour d’après, mais nous agissons chaque jour pour rendre le lendemain meilleur.

La digitalisation et l’automatisation seront les grands vainqueurs de cette crise qui a révélé de nouvelles faiblesses de la nature humaine et qui a montré que la vie confinée peut fonctionner à condition que le système digital suive. L’industrie utilisera aussi ce moment pour repenser la localisation de ces usines, en espérant que les consommateurs accepteront l’écart de prix de la fabrication en France.

Et enfin nous pensons chez Mawenzi Partners que, quelle que soit l’activité, essentielle ou superficielle, les entreprises vont devoir repenser leur raison d’être et leur modèle économique pour intégrer davantage de responsabilité, jusqu’à en faire la pierre d’angle de leur stratégie de croissance.


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