Paroles de lauréats : Gwenaëlle Avice-Huet
21 / 20.05.2020

Paroles de lauréats : Gwenaëlle Avice-Huet

La relance sera verte

Aujourd’hui avec Gwenaëlle Avice-Huet, Directrice générale adjointe d’Engie, en charge de la business line renouvelable (solaire, éolien, biomasse…), des entités opérationnelles France renouvelables et hydrogène et l’Amérique du Nord. Cette ingénieure des Ponts et Chaussées est alumni Choiseul 100.

Face à la crise, chaque jour, les lauréats et alumni Choiseul, mais aussi plusieurs de nos amis et partenaires, réagissent. Une série d’échanges avec plusieurs d’entre eux qui nous font part de leur vécu, nous exposent leurs stratégies de rebond mais aussi nous livrent leur vision du « jour d’après ».

Il est tout à fait possible de réussir la transition énergétique à un coût économique abordable pour l’ensemble de la société.

Comment le groupe ENGIE a-t-il assuré la continuité du service de l’énergie pendant cette période exceptionnelle ? 

Pendant toute cette période, la santé et la sécurité de nos salariés et de nos fournisseurs était – et reste – notre priorité absolue.

Afin de poursuivre les opérations essentielles et les infrastructures critiques pour les clients et les territoires dont ENGIE a la charge, nous avons déployé partout dans le monde un protocole sanitaire rigoureux et pris des dispositions particulières afin d’assurer à la fois le bon fonctionnement d’activités essentielles et la sécurité des équipes.

ENGIE a travaillé sur trois échelles de temps : la gestion de la crise (avec pour objectif primordial la santé des salariés et les besoins essentiels des clients), la sortie de la crise (avec des réflexions sur l’adaptation de notre système productif à la nouvelle donne et le soutien de l’activité économique) et l’évolution de long terme du système énergétique et la transition vers un monde moins carboné. Au cœur de la crise, nous avons, par exemple, adapté, en Europe, les plannings d’intervention des équipes d’exploitation et de maintenance qui interviennent sur les installations éoliennes et solaires pour réduire les déplacements. Ces équipes sont assistées par le Centre de conduite des énergies renouvelables du Groupe – basé à Châlons-en-Champagne, qui maintient son activité de supervision 24h/24 des sites de production éolien et solaire en Europe. De la même façon, une organisation par équipes successives, par roulement, a été mise en place sur nos barrages hydrauliques en France. Les autres agents en groupement sont confinés chez eux mais mobilisables pour assurer les astreintes par roulement.

Au-delà de cette activité, nous étions également présents sur le front des fonctions essentielles de la société : hôpitaux, supermarchés etc. ENGIE est présent dans les opérations quotidiennes de 86 hôpitaux en Italie et de 350 hôpitaux en France mais aussi en Belgique, aux Etats-Unis, etc. Il a fallu continuer à fournir du chauffage, de l’eau sanitaire ou encore de la vapeur pour stériliser les équipements. Mais ENGIE a pu aussi proposer une transformation, réversible et rapide, des infrastructures existantes en extensions d’hôpitaux. Nos équipes sont en capacité d’effectuer de telles transformations dans une vingtaine de pays. L’idée est de réunir les compétences des entités d’ENGIE pour aider les gouvernements dans la « construction » d’hôpitaux temporaires dans les zones géographiques prioritaires, en s’appuyant sur des hôtels, parkings, stades, salles d’exposition, gymnases, etc.

Enfin, le Groupe a également engagé des mesures de solidarité. Nous avons décidé le remboursement de deux mois d’abonnement en électricité pour les ménages les plus fragiles en France, ce qui représente 12 millions d’euros engagés par ENGIE pour ses clients. Nous avons également accéléré le paiement des factures de nos plus petits fournisseurs pour renforcer leur trésorerie. Enfin l’ensemble de l’équipe dirigeante du Groupe a fait don à hauteur de 15% de la rémunération de mars et avril à la Fondation ENGIE pour accompagner des actions liées à cette crise.


Cette crise globale peut-t-elle modifier notre rapport à l’énergie ? 

Cette crise a en effet engendré des impacts importants sur les systèmes énergétiques mondiaux. L’effet le plus visible a été la baisse de la demande. Dans la plupart des économies qui ont pris de fortes mesures de confinement en réponse au coronavirus, la demande d’électricité a diminué d’environ 15 %, principalement en raison de l’arrêt des activités des usines et des entreprises. Cette situation tout à fait inédite, à la fois de baisse et de déformation de la demande, puisqu’il y a eu un déplacement d’une consommation majoritairement industrielle vers une consommation domestique, a été un test pour les systèmes énergétiques mondiaux.

La bonne nouvelle est que ces systèmes ont prouvé leur résilience. Dans certaines régions du monde, comme en Espagne ou en Californie, la baisse de la demande d’électricité a ouvert une fenêtre sur ce à quoi les systèmes électriques pourraient ressembler dans quelques années. Ces systèmes ont soudainement fonctionné avec des niveaux d’énergie éolienne et solaire que nous n’aurions pas imaginé atteindre avant une autre décennie d’investissement dans les énergies renouvelables.

Ce moment est important parce qu’il nous permet de mieux comprendre les systèmes d’électricité plus propres, en particulier les défis opérationnels que les décideurs politiques et les régulateurs devront relever pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique. Il nous faudra tirer des enseignements de cette période afin de façonner les systèmes qui seront encore plus efficaces et plus résistants demain.

Cette crise montre aussi l’intérêt d’investir toujours plus dans des ressources locales de production d’énergie, que ce soit dans la production d’électricité, le stockage ou les gaz verts, biométhane et hydrogène vert. Les sociétés de demain viseront toujours plus de résilience et d’indépendance dans les crises et ces systèmes permettront d’y répondre.

Cependant, nous sommes convaincus chez ENGIE que, pour fonctionner, ces systèmes doivent être accompagnés de mesures d’efficacité énergétique. D’autant que les gisements sont nombreux : bâtiments, villes, industries, transports. Nous pouvons déployer une multitude de solutions pour améliorer l’efficacité de nos consommations : isolation des bâtiments, réseaux de chaleur et de froid dans les villes, conversion des chaudières au fioul, solutions de stockage. La crise actuelle nous a montré le chemin pour construire un système plus durable demain. Nous sommes prêts à le mettre en œuvre dès aujourd’hui.


Cette crise va-t-elle, selon vous, accélérer la transition énergétique ? 

Face à cette crise, mon premier constat est que nous prenons tous conscience de la vulnérabilité de nos sociétés. L’interdépendance des économies et la libre circulation des personnes sont des facteurs indéniables de création de richesses et d’intégration mais peuvent aussi être des facteurs de fragilité, comme lorsque survient une pandémie. Nous constatons aussi à quel point nos sociétés ont du mal à anticiper et à se préparer à des chocs exogènes.

Le deuxième constat c’est que, dans l’urgence, nous avons été capables de mettre en place des solutions de rupture de manière extraordinairement rapide, que ce soit au niveau des Etats, des territoires ou des entreprises. Cette crise sanitaire doit conforter notre volonté d’adresser dès maintenant les enjeux climatiques.

D’autant que la transition énergétique est déjà engagée et qu’elle est un mouvement de fond. Des dizaines de pays se sont engagés dans une trajectoire zéro carbone, d’autres se sont engagés à dépasser les objectifs de l’accord de Paris. Chez ENGIE, nous accompagnons des milliers de clients qui ont décidé de s’engager de manière très volontaire dans cette transition, que ce soit des territoires, acteurs institutionnels, des entreprises commerciales ou des industriels.

La crise ne change pas ces objectifs et aspirations. Au contraire, elle accélère la prise de conscience générale sur le fait que nous ne sommes pas armés pour faire face aux risques liés au changement climatique. C’est l’enjeu de la prochaine décennie et c’est maintenant que nous devons nous y préparer.


Le « Green Deal » européen a pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050. À quelles conditions parviendrons-nous à relever cet immense défi ? 

Il est tout à fait possible de réussir la transition énergétique à un coût économique abordable pour l’ensemble de la société. Pour cela, nous devons privilégier l’efficacité énergétique, et accélérer le développement des énergies renouvelables, électrique, chaleur et gaz renouvelable à travers l’hydrogène vert et biométhane.

Par ailleurs, face à cette crise sanitaire, nous avons vu que nous étions capables de prendre des décisions que personne ne pensait possibles et que l’on pouvait très vite changer notre manière de travailler. Ne gâchons pas cette opportunité. Il faut que les plans de relance incluent des mesures nous permettant de progresser dans la prise en compte de la crise climatique. Il faut absolument que la relance soit verte.

Il y a des gisements de valeur et d’emploi importants. Aux côtés des énergies renouvelables je pense à l’efficacité énergétique dont le potentiel de développement reste considérable. Cela doit passer par l’accélération massive de la rénovation des bâtiments tertiaires et d’habitat collectif pour les rendre plus performants énergétiquement. Cela doit également passer par le développement de campus intelligents universitaires ou hospitalo-universitaires connectés et bas carbone. Ou encore, il faut accélérer le développement des programmes immobiliers et d’aménagement urbains bas-carbone résilients ainsi que des réseaux de chaleur et de froid.

Nous avons ainsi une occasion unique d’accélérer la transition énergétique tout en créant des emplois et de la valeur pour la société. Le « Green Deal » européen doit être la base sur laquelle nous construisons ces plans de relance.


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