Paroles de Lauréats : Jean-Christophe Boccon-Gibod
25 / 27.05.2020

Paroles de Lauréats : Jean-Christophe Boccon-Gibod

Le digital n’exclut pas le besoin de proximité

Aujourd’hui avec Jean-Christophe Boccon-Gibod, cofondateur d’Eloa, plateforme client digitale dédiée au crédit et à l’assurance. Jean-Christophe Boccon-Gibod est alumni Choiseul 100.

Face à la crise, chaque jour, les lauréats et alumni Choiseul, mais aussi plusieurs de nos amis et partenaires, réagissent. Une série d’échanges avec plusieurs d’entre eux qui nous font part de leur vécu, nous exposent leurs stratégies de rebond mais aussi nous livrent leur vision du « jour d’après ».

Les acteurs du retail ont compris qu’il était indispensable que leurs ventes puissent se faire sans contact. Et en parallèle, une partie du petit commerce alimentaire de proximité n’a jamais aussi bien marché !

Eloa propose des solutions de parcours client entièrement digitalisées aux acteurs du crédit et de l’assurance. La crise que nous traversons va-t-elle bouleverser la relation client ? Va-t-on basculer dans le tout digital ? 

La situation actuelle a clairement mis en évidence l’apport des solutions digitales permettant de traiter la relation client à distance : commerce en ligne, échanges de documents, signature électronique, visioconférence, webinar…. A contrario elle a aussi souligné l’impréparation d’un certain nombre d’acteurs publics ou privés qui ont dû purement et simplement suspendre leur activité faute des outils digitaux nécessaires. L’absence de signature électronique à distance des actes notariés et les restrictions temporaires du crédit immobilier aux particuliers – en lien avec une mobilisation exceptionnelle des banques pour les entreprises – illustrent à quel point toute une chaîne de valeur peut brutalement être mise à l’arrêt du fait du manque d’outils digitaux chez un seul des acteurs de cette chaîne. C’est une lourde responsabilité qui doit être prise en compte dans les choix d’investissement de chacun des acteurs.


En tant qu’acteur du monde de l’assurance, qui comme on le sait est particulièrement impacté par cette crise, comment voyez-vous l’avenir du secteur ?

Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de la santé économique du secteur de l’assurance qui reste une activité indispensable et un métier formidable, au cœur des enjeux de société, des enjeux économiques et des enjeux individuels avec comme mission de donner à chacun, individu ou organisation, la liberté et la force de mener à bien ses projets tout en les protégeant des aléas.

En revanche, je suis plus inquiet sur la capacité du secteur de l’assurance à combattre ses vieux démons et notamment ces pratiques encore trop répandues de rédaction ambiguë des garanties – comme l’a montré le sujet des pertes d’exploitation.

Certes, personne n’avait prévu la situation exceptionnelle que nous affrontons actuellement et il est clair que ni les primes ni les provisions des assureurs ne permettent de couvrir les pertes d’exploitation directes et indirectes colossales liées aux fermetures des commerces, hôtels et restaurants pendant plusieurs mois.

Mais tout de même, quelle cacophonie en période de crise !


Eloa accompagne les banques, courtiers, promoteurs et autres acteurs de l’immobilier. Comment percevez-vous l’évolution du marché ? 

Le marché de l’immobilier a clairement souffert de la période de confinement depuis le 17 mars. Les flux de transaction ont connu des baisses comprises entre -60 et -80% certains étant même en arrêt complet faute d’outils digitaux. Mais, je ne suis pas inquiet sur le redémarrage du marché de l’immobilier à court terme. Les premières tendances montrent que les visites ont repris, les marques d’intérêt aussi, les nouvelles locations, bientôt les transactions…

Il y a en revanche une incertitude sur les effets prix, d’ici 6-9 mois, de la recrudescence du chômage et de la baisse du revenu disponible des ménages. Ma conviction aujourd’hui est que la baisse des prix de l’immobilier devrait être légère. Elle sera le fruit des frictions associées au redémarrage des différents moteurs de la chaîne de valeur. Les acquéreurs pourraient se montrer plus attentistes dans leurs démarches de négociation et les vendeurs probablement impatients de finaliser. L’afflux de liquidités de la BCE devrait apporter un soutien global à l’ensemble du secteur et contribuer à un maintien du niveau des prix.


En tant qu’entrepreneur, quelles opportunités nouvelles voyez-vous se dessiner ? Quelles tendances sociétales et économiques voyez-vous émerger ? 

De mon point de vue, le confinement a servi de catalyseur pour les projets de digitalisation de la relation client. Les acteurs du retail ont compris – un peu tard pour certains – qu’il était indispensable que leurs ventes puissent se faire sans contact, sans rendez-vous en point de vente. Et en parallèle, une partie du petit commerce alimentaire de proximité n’a jamais aussi bien marché !

Derrière ces phénomènes, je vois deux grandes tendances émerger : d’un côté, une exigence forte d’efficacité et de digitalisation portée par les clients auprès de leurs fournisseurs qu’il s’agisse de B2C ou de B2B, de distribution de produits ou de services immatériels (banques, assureurs, administrations…), de l’autre, un besoin de proximité qui bénéficie aux commerces alimentaires et qui se traduit par l’envie – avec une part non négligeable de contraintes –  d’être ancré dans son territoire. C’est le regain du local, sur lequel les marques vont très certainement se positionner post-crise.

Ce besoin d’ancrage est une opportunité pour les centres-villes et les territoires. Combinée aux élections municipales, cette tendance sera peut-être l’occasion pour les élus de revoir les politiques d’aménagement des périphéries en se concentrant davantage sur la dynamisation des cœurs de ville et moins sur l’extension ou la création de zones commerciales. 


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