Choiseul Magazine – « Louer en Confiance » Entretien avec Mickaël Nogal
22 Janvier 2020

Choiseul Magazine – « Louer en Confiance » Entretien avec Mickaël Nogal

Choiseul Magazine s’est entretenu avec Mickaël Nogal concernant les mesures phares de son projet de loi, qui devrait être déposé en mai 2020 et qui espère améliorer les relations entre propriétaires et locataires.

Né à Toulouse de parents espagnols, Mickaël Nogal est élu député de Haute-Garonne et vice-président de la commission des Affaires économiques à 26 ans. Proche du Président de la République Emmanuel Macron, qu’il a rejoint dès 2014, il s’est imposé comme le référent de la majorité sur les questions de logement. Il a notamment été responsable de la loi ÉLAN adoptée fin 2018.
Mickaël Nogal s’implique également sur les questions de sécurité, d’intelligence économique et d’égalité femmes-hommes. Il est auditeur de la 31ème session nationale de l’INHESJ.

Les agents immobiliers, boudés par les propriétaires et les locataires, ont compris la nécessité de faire évoluer le métier de la gestion locative pour passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

Institut Choiseul : Le Premier ministre Édouard Philippe vous a nommé parlementaire en mission auprès du Gouvernement pour une amélioration des rapports locatifs entre propriétaires et locataires et pour une évolution des agences immobilières en France. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Mickaël Nogal : Je travaille depuis le début du mandat sur les questions de logement, d’urbanisme et de cohésion des territoires. En novembre 2018, la loi ÉLAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) – dont j’ai été le responsable pour la majorité à l’Assemblée – a été promulguée par le Président de la République. Cette loi vise à favoriser la construction, repenser le modèle des organismes HLM et développer de nouveaux outils d’aménagement du territoire tels que le Plan Action Cœur de ville pour redynamiser nos centres-bourgs. Le Premier ministre Édouard Philippe et le ministre du Logement, Julien Denormandie, m’ont par la suite demandé de travailler plus spécifiquement sur le parc locatif privé. J’ai donc été missionné en décembre 2018 pour une période de 6 mois durant laquelle j’ai entendu l’ensemble des parties prenantes et réalisé de nombreux déplacements sur le terrain. Mon rapport, présenté en juin 2019, compte 37 propositions visant à réconcilier les propriétaires et les locataires. Certaines mesures sont de nature législative, réglementaire, fiscale ou relèvent de l’information vis-à-vis de nos concitoyens. Je déposerai dans les prochains jours ma proposition de loi qui reprendra deux mesures phares.

IC : Vous proposez en effet que le dépôt de garantie soit consigné auprès d’un organisme tiers agréé. Comment envisagez-vous la mise en œuvre de cette mesure et le financement de ce fonds ?

MN : Il faut savoir qu’aujourd’hui, 65 % des conflits entre les propriétaires-bailleurs et les locataires sont liés au dépôt de garantie. La conservation du dépôt de garantie par le bailleur est le principal ressort de la méfiance du côté des locataires. En réaction, le non-paiement du dernier mois de loyer tend à devenir la règle, ce qui ne fait qu’accentuer la tension. Pour mettre fin à une exception française qui favorise ces conflits, je propose que les dépôts de garantie – qui sont une créance du locataire – soient consignés auprès d’organismes tiers. Les agents immobiliers, dont une partie séquestre déjà ces fonds, demandent à bénéficier de l’ensemble des dépôts de garantie. Quoiqu’il en soit, ces fonds ne pourront être libérés que sur la base d’un accord entre propriétaire et locataire. Un moyen supplémentaire de favoriser le dialogue et réduire les conflits qui minent le quotidien de chacun.

Mickaël Nogal à la tribune de l’Assemblée nationale
lors de l’adoption de la loi ÉLAN.

IC : La seconde proposition phare de ce projet de loi est la garantie des loyers impayés. Cependant, certains professionnels semblent inquiets concernant son application, pouvez-vous nous détailler cette initiative ?

Lorsque vous écoutez les propriétaires-bailleurs, tous vous disent que leur principale crainte repose sur les retards et impayés de loyers et sur la possible dégradation de leurs biens. Ces propriétaires, dont les deux tiers louent de particulier à particulier, demandent à être mieux protégés et sécurisés dans la mise en location et la gestion de leur bien. Plusieurs études récentes nous montrent que 70 % d’entre eux seraient prêts à passer par un agent immobilier si ce dernier leur garantissait le paiement des loyers à date fixe et la remise en état de leur bien. Les agents immobiliers, boudés par les propriétaires et les locataires, ont compris la nécessité de faire évoluer le métier de la gestion locative pour passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

IC : Cette loi a pour vocation de remettre l’agent immobilier au cœur de la relation locative. Quelle en sera la plus-value pour les bailleurs et les locataires ?

MN : Nous vivons dans une société qui a tendance à tout désintermédier, notamment grâce au développement de nouveaux outils numériques. Mais le numérique ne remplace pas l’humain. Et c’est encore plus vrai pour un sujet aussi sensible que celui du logement, intrinsèquement lié au vécu et à l’affect. Or, on constate malheureusement que sur le marché des particuliers, les droits et les devoirs de chacune des parties sont moins bien respectés. Il s’agit d’ailleurs souvent d’une méconnaissance du cadre légal et réglementaire plus que d’une mauvaise foi des propriétaires ou des locataires. Nous avons donc besoin de professionnels mieux formés, plus rigoureux, qui offrent un réel service aux deux parties. Les contrôles auxquels ils sont régulièrement soumis par les autorités sont un gage de confiance pour les particuliers. Mais c’est aussi à eux d’innover pour proposer des services de qualité à des coûts attractifs pour répondre aux attentes des Français.

Mickaël Nogal et Julien Denormandie, ministre du Logement, en
discussion avec des étudiants étrangers à Toulouse le 14 avril 2019.

IC : Vous faites de la lutte contre les discriminations l’une de vos priorités. En quoi le nouveau modèle que vous proposez permet de s’attaquer à ce fléau ?

MN : La discrimination zéro doit être notre objectif commun. Il est par exemple inacceptable que pour les logements loués par des particuliers, le taux de discrimination monte à 87 %, selon un récent rapport de SOS Racisme. Bien que les professionnels ne soient pas tous exemplaires, ces chiffres sont bien moins importants et nous travaillons pour mettre fin à cette discrimination. Dans une opération de testing réalisée par l’association auprès de neuf réseaux d’agences immobilières, elle démontre des pratiques bien différentes. Le nouveau modèle que je propose, basé sur la sécurisation totale du propriétaire, va lever ses craintes principales à l’origine de nombre de discriminations. Dans la mesure où il sera sécurisé contre les impayés et les dégradations, les critères de sélection toujours plus restrictifs, qui ne correspondent plus à l’évolution de notre société, seront assouplis pour enfin rétablir la confiance entre le propriétaire et le locataire.

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