Talents de la tech : une ressource stratégique encore sous-exploitée par le Private Equity

Talents de la tech : une ressource stratégique encore sous-exploitée par le Private Equity

Le cabinet de chasse de tête Sonnar et l’Institut Choiseul publient une enquête inédite sur les trajectoires des talents de l’hypercroissance.

Alors que les entreprises européennes doivent relever les défis de transformation, de croissance durable et de souveraineté économique, un levier majeur reste encore trop peu activé : le vivier de talents formés dans les startups et scale-ups de la tech. Ces profils, rodés à l’exécution rapide, à la culture du résultat et à l’innovation produit, cherchent aujourd’hui à mettre leur expertise au service de projets plus structurés et à impact concret. Pourtant, selon l’étude menée par Sonnar, cabinet de chasse de tête, et l’Institut Choiseul sur un échantillon de 215 répondants, seuls 6,1 % d’entre eux ont opéré une transition du Venture Capital vers le Private Equity.

Une génération tech arrivée à maturité, en quête d’impact concret sur l’économie réelle

Les talents interrogés dans le cadre de cette étude sont pour la grande majorité des profils expérimentés : 85 % ont plus de 5 ans d’expérience professionnelle et 71 % occupent aujourd’hui des postes de direction, de management ou d’expertise stratégique.

Au-delà du prestige des parcours, c’est une véritable évolution des aspirations qui se dessine. Cette génération, qui a contribué à construire les fleurons de la tech européenne, cherche désormais à s’inscrire dans des dynamiques de transformation plus tangibles :

  • 70 % des répondants indiquent que leur principal moteur professionnel est de générer un impact tangible sur l’économie (créer de l’emploi, faire croître des entreprises, participer à la relocalisation de filières stratégiques, ou encore accompagner la modernisation d’acteurs industriels.).
  • Ils manifestent un intérêt croissant pour des projets capables d’allier ambition, responsabilité, ancrage territorial et stabilité à long terme.

Private Equity : un environnement stratégique encore peu lisible pour les talents de la tech

L’univers du Private Equity offre des conditions propices à l’expression de ce nouveau projet professionnel : des entreprises matures à transformer, des trajectoires entrepreneuriales dans l’existant (PME/ETI en croissance, transmission, digitalisation), et un cadre stratégique structuré.

Pourtant, les passerelles concrètes entre ces deux univers restent trop faibles : seuls 6,1 % des talents interrogés ont effectué une transition du Venture Capital vers le Private Equity, et moins de 5 % dans l’autre sens. Les mouvements restent donc marginaux, malgré une convergence croissante des enjeux de pilotage, d’innovation et de croissance durable.

Ce décalage entre l’envie et la réalité s’explique par des freins clairement identifiés :

  • Une incompréhension culturelle (63,7 %) entre les codes managériaux de la tech et ceux des entreprises plus traditionnelles,
  • Une difficulté d’adaptation mutuelle (57,1 %), en raison d’environnements radicalement différents en termes de temporalité, gouvernance et processus,
  • Un manque de structures d’accueil adaptées ou visibles (37,3 %), comme des dispositifs de transition, mentoring ou missions mixtes,
  • Une sous-valorisation de l’expérience startup dans les processus de recrutement classiques (27,8 %).

Trois leviers pour créer des ponts entre VC et PE

Face à cette situation, l’étude menée par Sonnar et l’Institut Choiseul ne se limite pas à un constat. Elle propose des actions concrètes pour mieux faire circuler les compétences entre deux écosystèmes qui ont tout à gagner à se rapprocher.

  • Repenser les pratiques de recrutement : les talents issus de la tech sont souvent cantonnés à des filières “VC uniquement” ou “startup uniquement”, par habitude ou méconnaissance de leur transférabilité. Il est urgent pour les RH et les cabinets de recrutement de valoriser leur capacité d’exécution, l’agilité organisationnelle et le sens du résultat comme des compétences activables.
  • Déployer des missions de secondment : sur le modèle des cabinets de conseil, ces immersions temporaires de 6 à 12 mois permettraient à des profils issus du VC ou de la tech de s’engager dans des projets PE (dans les fonds ou en entreprise) et inversement.
  • Renforcer les formations ciblées : les compétences tech (produit, data, stratégie go-to-market) sont souvent bien maîtrisées par ces talents, mais il leur manque parfois les fondamentaux du Private Equity : structuration financière, logique LBO, gouvernance consolidée.

Un moment charnière pour réconcilier innovation et solidité

Les signaux sont là : les talents tech veulent sortir de l’hypercroissance pour investir leur expertise dans des modèles plus stables. De l’autre côté, les entreprises PE-backed ont besoin de profils capables d’accélérer leur modernisation, de digitaliser leur offre, de structurer leur organisation.

Organiser la rencontre entre ces deux mondes est un enjeu stratégique pour toute l’économie européenne. Il ne s’agit plus d’opposer agilité et rigueur, innovation et rentabilité — mais de penser leur complémentarité.